Ausangate, la montagne sacrée ; le six-mille oublié du Pérou

Beaucoup d'alpinistes se rendent à la Cordillera Blanca au Pérou. Cependant, il y a peu de monde qui connaît l’existence du Ausangate, l'une des divinités la plus importante de l'empire Inca. Située près de Cusco, aujourd’hui elle continue à être considérée comme un dieu insaisissable, principalement pour ses importants éperons et parois extrêmes de glace et de rocher.

Notre collaborateur habituel, le guide péruvien Sergio Ramírez, nous envoie ce reportage à propos de l'ascension réalisée au Ausangate avec ses compagnons Octavio Salazar et Ñosy Dueñas. Une grande montagne, très belle, d'une difficulté modérée par sa route normale, et avec un grand nombre de possibilités à travers leurs grandes parois. Sa situation, près de Cusco, dans la Cordillera Vilcanota, un peu éloignée des itinéraires normaux de Huayhuash et de la Cordillera Blanca, fait que peu de monde s’intéresse à ses grandes parois.

Texte : Sergio Ramirez, guide de montagne www.nuestramontana.com (information sur ascensions et trekkings au Peru)
Photos: Ñosy Dueñas, Octavio Salazar

Pendant l'empire Inca, l'Ausangate (6410 m.) représentait l'une des plus importantes divinités des contemporains. Ses éperons et ses parois ont fait de cette montagne un vrai “dieu insaisissable”. Cette nomination perdure de nos jours; les habitants des alentours continuent à la sacraliser. Ceux qui approchent la montagne lors d'un trekking ou ceux qui ont la chance d'admirer le monde depuis son sommet, découvrent le charme de ce six-mille situé au Sud de la ville de Cusco, sur la Cordillera de Vilcanota. Une option pour ceux désirant éviter les masses de touriste à Cusco en gravissant une divinité Inca de difficulté modérée.

La tradition continue encore : tous les ans, entre mai et juin, a lieu la fête de Qoyllur Riti (étoile des neiges), un amalgame entre la religion catholique et les croyances précolombiennes. Des milliers de pèlerins viennent jusqu'à la base du Qolkke Punku pour rentrer chez eux avec de gros blocs de glace en passant d'abord par une image de Jésus dessinée sur un rocher à 4900 mètres.

AUSANGATE

Approche

La première information du sommet date de 1953, lorsqu'une expédition austro-allemande, intégrée par Fritz Morz, Heinz Steinmetz, Jurgen Wellenkamp et Heinrich Harrer (ce dernier fut l'un des premiers dans le Nord du Eiger), a atteint le sommet par la zone sud. Plus tard, d'autres voies ont été ouvertes sur la plus part des flancs. Très peu de voies ont été répétées, et il y a encore de nombreuses lignes vierges à grimper sur les spectaculaires versants Nord et Sud.

Actuellement l'accès au village de Tinqui (3790m.) est très facile. La route interocéanique qui relie le Pérou et le Brésil rend possible la liaison Tinqui depuis Cusco en environ 3 heures. À Tinqui on trouvera tout le support nécessaire pour l'ascension de l'Ausangate ou le trekking qui fait le tour de la montagne.

Il existe deux options pour initier l'approche. marcher depuis Tinqui jusqu'à Pacchanta (4260 m.) en environ 3 heures ou prendre la route jusqu'à Pacchanta et commencer le trekking de là. Tout dépend évidement de l'acclimatation.

Acclimatation dans le Campa

Après avoir traversé les lacs Comerocha et Caycoche, d'une grande beauté, on atteint 4950 m, à peine à quelques mètres du pas Campa, sous la présence du sommet homonyme et entouré d'un cirque spectaculaire de montagnes formant la chaîne des Puka Punta. Dans cette zone de l’hémisphère le soleil se lève vers 4h00, 4h30. Et il fait plus froid que dans la Cordillera Blanca ou Huayhuash, beaucoup plus au nord.

Une heure plus tard on atteint le pas d'altitude Campa pour se diriger vers le début du glacier de la montagne. La difficulté de la route est modérée, une très belle marche glacière jusqu'à atteindre l'arête nord et un petit pas raide nous amène jusqu'au somment principal à 5485 m. De là, un panorama spectaculaire de la Cordillera Vilcanota et son sommet plus élevé, l'Ausangate, notre prochain objectif.

Je n'oublierais jamais l'appel à la maison passé depuis le sommet...le meilleur endroit au monde pour qu'on annonce à quelqu'un qu'il sera de nouveau père. Merci Dina.

On réalise la descente par des rochers escarpés et raides pour atteindre le sentier du trekking et traverser la zone sud de la montagne. On arrivera en une seule journée au camp de base du Ausangate. Dans cette zone des Andes, les différences climatiques entre les parties nord et sud sont importantes, cet après midi on a été « enterré » par une grosse chute de neige.

Depuis le sommet sacré

Le lendemain, très tôt, on a initié l'ascension au camp haut (5450 m). La veille, on voyait une partie de la route (arête nord) et pendant la marche jusqu'au camp haut, l'imposante face sud du Ausengate nous surveillait. La neige est apparue à nouveau pendant qu'on préparait le repas.

Vêtus avec tous nos vêtements imperméables, on a initié l'ascension vers 1h. Encordés à cause des crevasses, on a cherché le bon chemin sur le glacier vers la grande paroi d'accès au plateau. Jusque là, on avait entendu plusieurs versions de la route à suivre, toutes différentes. Cette montagne est rarement gravi et l'information n'abonde pas.

La météo a vraiment été clémente à partir de là. On a atteint la rimaye et le lever de soleil nous a offert l'une des matinées les plus belles que j'ai pu vivre en montagne. On a commencé la première longueur sur une glace parfaite. 120 mètres, 65-70º, et deux heures d'escalade nous ont amèné sur l’énorme plateau.

Les premiers pas sur le glacier se sont très bien passé, neige molle mais stable. On ne pouvait rien demander de plus. Notre cordée avançait à la manière des pèlerins de la fête du Qoyllur Riti à la recherche de leur Étoile des Neiges. Bien entendu, nous étions 2000mètres au dessus de là où la fête a lieu.

La zone supérieure du Ausangate n'est pas très raide et on peut voir la dernière pente d’accès au sommet. Lorsqu'on progressait sur cette zone, les nuages en provenance de l'Est nous annonçaient une dégradation météorologique. Vers midi, Octavio se battait contre la rimaye finale sur un pont en glace très précaire, tandis que Ñosy l'assurait sur une bonne plateforme. De là, une soixantaine de mètres conduisent vers une arête très affilée et aérienne. Juste à quelques mètres du sommet on a du chevaucher l'arête en entendant les coups de tonnerre au dessus de nos têtes effrayées et en sentant un grincement électrique sous les casques.

Le GPS, qui avait donnée les bonnes altitudes jusqu'ici, marquait 6410 mètres au sommet. On accorde plusieurs altitudes à ce sommet, très similaires entre elles. On a commencé la descente immédiatement par la même route d'ascension, un rappel pour redescendre sur le plateau puis un autre pour descendre du plateau jusqu'au glacier.

Tour complet

Le retour au camp de base est aussi par la même route d'ascension. La vue imprenable sur le glacier de Santa Catalina a rendu la marche très agréable. On a décidé de continuer l'itinéraire du trekking pour monter au pas Palomani (5116 m. ) puis descendre au lac Ausangate “cocha” (lacune en Quechua), 4680m.

Après avoir bien profité du panorama, on atteint le pas Apacheta (4900) et on redescend jusqu'au lac le plus emblématique du circuit, Puka cocha (4800m) où la pêche de truites et la vue sur l'Ausangate font de cet endroit une arrêt obligatoire pour ceux qui cherchent le bon trekking.

On a atteint à nouveau la zone nord de la montagne par le pas Arapa (4790m) et on est descendu au petit village de Upis (4458m) où on a profité d'une journée ensoleillée dans les piscines chaudes que les habitant ont aménagés pour les visiteurs. Le lendemain, on est arrivé à Tinqui.

Deux sommets et un circuit complet de trekking en 6 jours d'activité intense autour de la montagne qui désormais sera notre montagne sacrée.

Les dernières vues sur l'Ausangate furent pour nos compagnons de voyage dans le bus public qui va à Cusco. Nous on dormait paisiblement en rêvant de notre prochain objectif...Machu Pichu...


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