« Freetanga Ecuatoriana », une nouvelle voie de 650m, 7b+/A1+ dans le Haina Brakk (groupe du Trango, Karakorum) ouverte par deux équatoriens

Les grimpeurs équatoriens Felipe Guarderas et Roberto José Morales ont ouvert la voie Freetanga Ecuatoriana cette saison dans le Karakoroum.

Freetanga Ecuatoriana, Haina brakk, Trango, Karakorum

Les équatoriens Felipe Guarderas et Roberto José Morales ont un ambitieux projet appelé « 7 Continents-14 Parois », dont l'objectif est d'escalader les deux parois les plus représentatives de chaque continent, c'est-à-dire le Fitz Roy, El Capitan, le Naranjo de Bulnes, la Esfinge, etc. Ils se sont dernièrement concentré sur la Grande Tour de Trango.

Pendant les 40 jours qu'ils ont passé dans la montagne, ils ont réalisé de nombreuses activités remarquables comme par exemple une répétition d' « Eternal Flame », l'escalade de la Grande Tour et de la Petite Tour du Trango, mais aussi et surtout, l'ouverture de la voie « Freetanga Ecuatoriana » dans le Haina Brakk, montagne proche de l'Uli Biahio. Ce sont les premiers sud américains à avoir atteint les sommets des Tours du Trango.

Voici la chronique que nous envoie Felipe Guarderas :

« NOUVELLE VOIE DANS LE KARAKORUM »

« Le jour du départ de l'Équateur était enfin arrivé et nous nous dirigions vers l'endroit de nos rêves, pour lequel nous nous étions préparés pendant plus d'un an. La cordillère du Karakorum et les Tours de Trango étaient de plus en plus proches. Après de nombreuses heures passées dans l'avion, sur des routes de plus en plus dangereuses à chaque virage, dans un pays dans lequel tu ne comprends rien et le langage représente une énorme barrière, uniquement franchissable à l'aide d'un anglais basique et de beaucoup de gestes… mon collègue Roberto José Morales et moi-même, avons démarré notre aventure à pied, avec des habitants de la zone, qui pour quelques dollars, nous ont aidés à charger et transporter nos lourds bagages.

Le 4 juillet nous sommes arrivés à l'endroit qui allait se transformer en notre maison pendant les quarante jours à venir. Nous avions toutes les commodités auxquelles ont peut avoir accès dans un camp de base : tente individuelle, toilettes, douche, salle à manger, cuisine, légumes et même une chèvre, qui quelques jours plus tard deviendrait le plat principal, ainsi que la cause des douleurs d'estomac de tous les membres de l'expédition.

Freetanga Ecuatoriana

Sans perdre une seule minute, le même jour où nous sommes arrivés au camp de base, nous avons commencé à préparer les sacs et sommes partis vers La Grande Tour de Trango avec l'intention de grimper en style capsule une voie appelée « Parallel World ». La voie comprend de nombreuses dalles verticales, ainsi que des toits, ce qui rende très difficile le transport des sacs, donc nous avons décidé de les abandonner et de monter en style alpin le plus haut possible. En deux jours nous sommes arrivés plus haut que la moitié de cette immense paroi de plus de 2000 mètres. Cependant, nous sommes descendus un peu déçus, car la voie n'était pas très belle... mais avec la grande quantité de parois qu'on avait autour de nous, cela ne posait pas de problème. Notre prochain objectif était La Tour Sans Nom, mais cette fois-ci nous nous dirigions vers l'une des plus belles et incroyables voies de la planète : la classique Eternal Flame. Nous avons eu la chance de la grimper dans la bonne humeur avec nos amis Ino et Paco, qui ont aussi grimpé ce pilier impressionnant. Nous avons mis douze heures à grimper la voie, en arrivant au sommet de La Tour Sans Nom à cinq heures de l'après-midi, d'où nous avons pu profiter de l'incroyable vue sur le Karakorum.

Après un repos bien mérité au camp de base, nous avons profité de quelques jours où la météo n'aurait pas dû être très clémente pour escalader le Petit Trango. Il s'agit d'une petite aiguille mais avec des longueurs de qualité. Nous sommes arrivés à cinq heures de l'après-midi au pied du pilier et vers 19 heures nous étions sur son sommet pointu pour contempler les derniers rayons de soleil qui disparaissaient derrière la barrière de la cordillère. Nous avons décidé à ce moment-là de partir le lendemain à l'aube à l'assaut de la Grande Tour de Trango par la voie américaine. Une fois de plus, le spectacle de l'aube nous a laissés sans voix et nous a permis de voir les plus hauts sommets de la région.

Freetanga Ecuatoriana

Après cette sortie, comme le climat semblait vouloir rester au beau fixe, nous avons décidé d'investir ce qui nous restait d’énergie dans une ligne incroyable que nous observions depuis plusieurs jours. Pour y arriver, il fallait d'abord traverser le glacier du Trango. Malgré la rugosité du terrain, la marche d'approche n'a pas été trop compliquée depuis le camp de base. Comme toutes les premières ascensions, il fallait d'abord faire un peu d'exploration car nous ne savions pas à quoi nous attendre. Les cinq premières longueurs suivaient une fissure qui se fermait à quelques endroits et qui avait pas mal de terre, ce qui rendait la progression assez lente. Ensuite, la fissure était de plus en plus propre, ce qui permettait d'aller plus vite. Nous avons fixé des cordes jusqu'à la huitième longueur et nous sommes redescendus pour nous reposer. Le deuxième jour nous sommes arrivés au sommet de cette formation qui fait partie de la montagne Hainna Brack, à côté du fameux Uli Biahio. Durant la journée qui nous a menée au somment, nous avons eu beaucoup de bonnes surprises. La voie se grimpe par des fissures qui semblent taillées à la perfection. Nous avons trouvé plusieurs longueurs de off with, mais de la meilleure qualité que j'ai jamais vu. L'escalade des trois dernières longueurs a été plus simple que le reste, mais le rocher était un peu plus décomposé. A la montée, nous avons mis en place des réunions bien équipées : un bolt et un clou, avec une sangle et un mousqueton, de façon à pouvoir commencer à faire du rappel à n'importe quel moment. Nous sommes arrivés au sommet après plusieurs heures d'escalade et nous avons pu voir les Tours de Trango depuis une nouvelle perspective. Cependant, il nous restait pas mal de travail à la descente, car nous avons continué à équiper la voie, en rajoutant des bolts dans les sections compliquées, pour essayer de la rendre sûre pour les alpinistes suivants. Cette nuit-là, nous avons fêté cette ouverture avec une pizza au camp de base, mais il nous restait quelque chose à faire...

Freetanga Ecuatoriana

Après une journée de repos, nous avons continué le travail : nous avons escaladé de nouveau les 8 premières longueurs pour faire un grand nettoyage, car la fissure était couverte de plantes. Nous avons éliminé toutes les plantes et les pierres qui pouvaient être dangereuses, mètre à mètre, pendant cinq jours, afin de laisser une voie bien équipée, très sûre et qui puisse être escaladée en libre : Freetanga Ecuatoriana, 16 longueurs 7b+, A1+.

Pour nous, ouvrir une voie signifie de l'escalade à l'état pur. Trouver une ligne et encore mieux, une paroi sur laquelle personne n'a jamais grimpé, est un rêve devenu réalité. Investir autant de temps et d'efforts à nettoyer et protéger la voie, n'a pas été un problème : nous pensons en effet qu'ouvrir une voie que personne ne va répéter parce qu’elle est dangereuse ou mal protégée n'a pas de sens.

Nous sommes actuellement embarqués dans un grand projet appelé « 7 Continents – 14 parois », qui consiste à escalader les deux parois les plus représentatives de chaque continent. Pour le moment, nous en avons escaladé 5 : Fitz Roy (Patagonie), La Esfinge (Pérou), El Capitán (EEUU), La Tour sans Nom (Pakistan) et le Naranjo de Bulnes (Espagne). Afin de pouvoir terminer ce projet, nous avons l'appui de certaines marques comme PETZL et FINALÍN, mais nous continuons à chercher des sponsors. Grâce à cette dernière expédition, nous sommes les premiers sud américains à conquérir les Tours de Trango. »


Felipe Guarderas

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