Première ascension en libre et à vue de Rolling Stones, face nord des Grandes Jorasses, par Luka Lindic et Luka Krajnc. 1100m, M8, F6a

Cette voie de 1100 m vient d'être libérée par les deux slovènes, lors de l'une des meilleures et plus engagées activités alpines de la saison

Croquis de la voie

Texte : Luka Lindic
Photos : Luka Lindic et Luka Krajnc
Information courtoisie de Petzl www.petzl.com

Une fenêtre de beau temps a permis aux slovènes Luka Lindic et Luka Krajnc de grimper à vue la voie Rolling Stones, dans la face nord des Grandes Jorasses, lors d'une activité qui a duré 6 jours.

En dehors des voies habituelles

« Après un hiver avec un temps assez incertain, j'ai vérifié la météo et elle avait l'air bien pour les jours suivants. J'ai alors appelé mon collègue Luka Krajnc et nous nous sommes tout de suite mis en route vers Chamonix. Notre plan initial était de grimper la Gousseault-Desmaison dans la face nord des Grandes Jorasses, mais nous avons appris que deux autres cordées avaient aussi prévu de réaliser cette voie avant nous. Étant donné que nous ne sommes pas fans des hordes de gens en montagne, nous avons décidé de changer d'objectif et d'essayer la Rolling Stones, une voie encore plus difficile, située dans la même paroi et qui n'avait jamais été libérée auparavant.

Le premier jour nous avons fait l'approximation avec les grands sacs à dos en skiant. Nous avons installé une petite tente sous la voie et avons profité du coucher de soleil. Notre plan était bien clair : tenter de grimper toute la voie en libre. Nous ne savions toujours pas si cela serait possible, mais nous étions intrigués et cette nouvelle aventure nous plaisait bien.


Nous avons commencé à grimper le lendemain matin. La deuxième longueur s'avéra déjà dure et très verticale, nous avancions plus lentement que prévu. Après avoir grimpé pendant toute la journée, nous avons fait un petit rebord dans la glace et nous nous sommes préparés pour passer une nuit tout à fait inconfortable. Lorsque nous nous sommes réveillés, nous n'étions pas très optimistes, nous étions fatigués et les parties les plus dures de la voie étaient encore à venir. Après une traversée assez compliquée, nous avons atteint une paroi vraiment verticale et à partir de ce moment-là, nous nous sommes complètement engagés dans la voie. Nous avons grimpé des longueurs très dures et à la fin nous avons eu la chance de trouver un bon rebord pour bivouaquer.


Au lever du jour, les rayons de soleil nous ont aidé à nous préparer pour affronter le point clef de la voie, juste au-dessus de nous.

Après deux longueurs verticales comme échauffement, nous avons monté un relais sous la longueur clef, A3. Elle n'avait pas l'air tellement mal, je me suis donc calmé et ai commencé à grimper. La première partie, toute droite, offrait une bonne protection. Suite à un vieux piton rouillé, la voie raidissait et pour couronner le tout, il y avait trois grands blocs de rocher détachés de la paroi, chose qui nous a fait assez peur, car nous étions en train de grimper avec une corde à simple. J'étais effrayé, mais avec précaution et sans mettre de protections pendant quelques mètres, j'ai continué à grimper et j'ai réussi à faire le tour des blocs. J'entendais des bruits étranges, qui provenaient des blocs lorsqu'ils bougeaient. Après quelques minutes à grimper en faisant très attention, je suis arrivé au relais... j'avais réussi !


Les deux longueurs qui suivirent furent moins engagées et difficiles que les précédentes, ce qui ne veut pas non plus dire faciles. Ce jour-là, nous avons seulement grimpé sept longueurs, mais en installant notre troisième bivouac dans la paroi, nous étions très contents. Nous avions déjà libéré les longueurs importantes de la voie et comme ce qu'il nous manquait pour terminer était plus « facile », nous avons presque savouré la victoire.

Ce n'était pas encore fini...

Le lendemain matin nous nous sommes levés avec un vent très fort. Un mur de nuages venant du nord se déplaçait vers nous et en moins d'une heure nous étions secoués par le vent et le brouillard. Très rapidement, tant le rocher comme nous-mêmes étions couverts de givre. Tout à coup, la situation était devenue très compliquée, nous savions que si quelque chose marchait mal et nous devions arrêter, nous aurions de gros problèmes. Juste avant la tombée de la nuit, nous sommes arrivés au sommet et nous avons tout de suite redescendu 100 ou 200 mètres du côté sud, où le vent était moins fort.


Avec tout ce brouillard, nous avons été incapables de trouver la voie de descente, donc nous avons installé un autre bivouac. Le lendemain matin le ciel était bleu et le vent avait disparu, nous sommes alors descendus jusqu'à Courmayeur. Nous avons mis six jours pour aller de l'endroit où nous avions laissé l'une des voitures, à l'endroit où nous avons fini notre activité, de l'autre côté.

Encore une fois, nous avons été capables de grimper une grande voie dans notre style préféré : simple, avec le minimum matériel possible. Nous avons réussi une première ascension en libre et avons grimpé à vue toutes les longueurs. À notre avis, la longueur la plus difficile est M8, avec une section très effrayante qu'il faut faire sur de grands blocs instables. Au moins trois longueurs sont M7 et beaucoup d'autres font M6. »


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